"Ma petite folie sur les pentes de la Bonette" par Patrick GILLES

Les 15 et 16 juillet dernier, les pentes surchauffées de la Bonette ont servi de cadre à une tentative une peu folle de double Everesting Challenge dont le principe consiste à escalader autant de fois que nécessaire un même col pour atteindre l’équivalent de 2 fois l’altitude de l’Everest en dénivelé cumulée. Pour atteindre cet objectif symbolique, 11 ascensions de la Bonette étaient nécessaires dans un délai de 36 heures. Ce défi cycliste hors norme avait pour but d’attirer l’attention sur les menaces que le réchauffement climatique fait peser sur le milieu montagnard et de l’urgence à agir collectivement pour échapper aux pires scénarii. On ne répétera jamais assez que le changement climatique est un enjeu majeur des années à venir et un véritable défi pour la montagne particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement du climat. Le dernier rapport du GIEC est sans appel : la hausse des températures que l’on observe depuis plusieurs dizaines d’années se poursuit et s’accélère avec des conséquences négatives pour les milieux naturels comme pour les populations.

Avec une hausse d’1,5°C de la température mondiale, la montagne est durement touchée et les régions dépendantes de l’eau des glaciers et de la fonte des neiges pour l’irrigation vont devoir faire face à une ressource en eau irrégulière ayant des répercussions négatives et des effets en cascade jusqu’en plaine. Si le manque d’enneigement menace l’activité touristique hivernale, les vagues de chaleur, les incendies, les éboulements liés à la sécheresse ne sont pas sans conséquence non plus l’activité touristique estivale.

Ce défi symbolique est avant tout une action citoyenne et responsable porteuse d’un message d’alerte et une invitation à mesurer les conséquences de l’accumulation de décennies d’insouciance vis à vis de l’impact de nos comportements sur le climat et l’environnement.

Faut-il encore présenter la Bonette ? Cette cime dénuée de végétation qui domine les vallées de la Tinée et de l’Ubaye a longtemps été considérée comme la plus haute route d’Europe. Chacun sait que c’est le pico Veleta en Espagne qui lui a volé la vedette avec ses 3 398 mètres d’altitude. Qu’importe, la Bonette demeure une ascension à nulle autre pareille qui nous permet de nous hisser jusqu’à 2802 m dans un décor exceptionnel et unique.

Effectuer un double Everesting en ces hauts lieux n’était pas gagné d’avance tant le défi est de taille de par l’altitude, la longueur de l’ascension, les variations de température entre le pied et le sommet. Chaque ascension de la Bonette depuis Jausiers compte 23 kms et un dénivelé positif de 1586 m pour une pente moyenne de 7% avec plusieurs passages à 10% et plus de 14% dans la rampe finale conduisant à 2802 m.

Débuté à 5h le vendredi 15 juillet, le défi s’est achevé à 14h30 le samedi 16 juillet après une 9e ascension sous une chape de plomb. Il en aura donc manqué 2 pour atteindre 2 fois l’Everest mais la chaleur extrême qui régnait au pied de la Bonette à Jausiers en début d’après-midi (37,5° c) a eu raison de la détermination affichée depuis le début de cette folle aventure. 6 ascensions ont ainsi été réalisées entre 5h et 22h30 vendredi et 3 autres le samedi alors que la thermomètre a commencé à s’affoler dès le milieu de la matinée. Malgré tout, le rythme des ascensions s’est effectué conformément au tableau de marche prévu avec une moyenne de 2h par montée (1h45 pour la plus rapide et 2h15 pour la dernière) et 35 à 40 minutes par descente.

L’échec est tout relatif car il n’y avait pas d’enjeu particulier si ce n’est l’envie de relever un challenge personnel hors du commun à la hauteur du message à faire passer à propos du réchauffement climatique.

Patrick GILLES